Q comme...Qui a tué Hugues Nègre ? / Challenge AZ 2017

Publié le par Juloz

La trouvaille d'aujourd'hui nous emmène dans le Lot, plus précisément dans le Quercy, région où les ancêtres de ma branche paternelle ont vécu longtemps.
Nous sommes le 7 Prairial an 2 (ou 26 mai 1794) dans le village de Lascabanes (canton de Montcuq, ville mondialement connue des humoristes) où Antoine CAMBELES, officier municipal de la commune, rédige l'acte de décès d'Hugues NEGRE, un sabotier du village voison de Pechpeyroux..

Sauf qu'il ne fait pas que rédiger l'acte comme tous les autres depuis qu'a été instauré l'Etat Civil, remplaçant les registres paroissiaux tenus par les curés.
Il va carrément décrire tout ce qui est arrivé entre le moment où on lui apprend le décès d'un habitant et la rédaction en elle-même de cet acte.

Ecrivain, inspecteur de police ou journaliste avant l'heure, notre Antoine va nous raconter dans les moindres détails, suite au procès-verbal de Pierre PRADAL, assesseur du Juge de Paix local, les lieux où l'incident est arrivé, comment le corps a été retrouvé, les personnes présentes et surtout qui (ou quoi) aurait pu le tuer !
Alors oui, le texte est long, les mots sont en "vieux françois" parfois et vous remarquerez la tendance à utiliser les expressions "dudit..." ou "ladite.../ledit..." qui se répètent donc énormément dans l'acte, ce qui donne un texte assez lourd à lire...

223 ans plus tard, voici donc l'histoire :
"Aujourd'hui dix septième jour du mois prairial l'an second de la République, une et indivisible, à une heure après midi, par devant moy Antoine Combeles, off[ici]er municipal de la commune de Lascabanes élu le dixième Floréal dernier, pour dresser les actes destinés à constater les naissances, mariages et décès des citoyens, est comparu en la maison commune Pierre Pradal, assesseur du Juge de Paix, en l'absence d'un citoyen Juge de Paix du canton de Moncuq, demeurant au lieu de Seguy, présente municipalité et susd[it] canton ; lesquels assistés du citoyen Jean-Pierre Baffalie, laboureur propriétaire âgé d'environ quarante deux ans et de Jean Laval, négociant, propriétaire, âgé de cinquante six ans, tous deux domiciliés dans la présente municipalité, lequel a déclaré à moi Antoine Combeles, qu'ayant été instruit qu'un homme s'étoit trouvé mort dans une maison située à l'extrémité du village de Lascabanes, et appartenait au citoyen Loubejac, maréchal habitan du dit Lascabanes, il s'étoit présenté sur le lieu et y avoit rédigé le procès verbal dont la teneur suit.
L'an second de la République française, une et indivisible, le dix septième jour du mois Prairial, dix heures du matin, nous Pierre Pradal, assesseur de la commune de Lascabanes, au canton de Moncuq, en l'absence du citoyen Lagineste Juge de Paix.
En conséquence du verbal dressé par la municipalité de Lascabanes et a dressé au citoyen Juge de Paix qui nous a été remis par l'un de ses assesseurs en datte du jour d'hui, portant qu'on a trouvé un particulier mort à l'extrémité du village de la commune dudit Lascabanes, et qui a été presque généralement reconnu par tous ceux qui assistoient la dite municipalité être Hugues Nègre, sabotier de profession de la commune de Pechpeyroux étant accompagné des citoyens Jean-Pierre Baffalie et Jean Laval, tous deux notables de la commune de Lascabanes dont nous avons requis l'assistance à l'effet d'être à leur présence procéder aux opérations ci après dont nous leur avons fait connoitre l'objet et du citoyen Joseph Barrayre, officier de Santé, demeurant audit Lascabanes aussi requis de se trouver audit lieu pour y visiter le particulier mort dont il est fait mention audit verbal de la municipalité dudit Lascabanes dudit jour d'hui.
Lequel officier de Santé a prêté en nos mains le serment de procéder en son âme et conscience à la dite visite et de déclarer Vérité.
Nous Pierre Pradal, assesseur en l'absence du dit citoyen Lagineste, juge de Paix, nous sommes transporté dans une maison placée à l'extrémité du village dudit Lascabanes, non habitée et appartenant à Pierre Loubejac, maréchal, habitant dans ledit village, ladite maison rue ou chemin de Lauzerte à Caors, où, étant assisté comme dessus des citoyens Jean-Pierre Baffalie et Jean Laval, notables et dudit Joseph Barrayre, officier de Santé, aurions trouvé à l'entrée un piquet de la Garde Nationale dudit Lascabanes, commandé par Jean-Pierre Comberiou, sergent de la susdite Garde et étant entré dans le bas de ladi[te] maison, nous avons requis de placer à l'entrée de la d[ite] maison des sentinelles afin que qui que ce soit ne sorte et ne s'éloigne sans notre permission dans le cas que nous trouverions quel qu'un dans icelle et jusqu'à ce que nous ayons procédé aux opérations qui font le sujet de notre transport, et de suitte entrés dans le bas de la dite maison attenant la première qui se trouve placée à main gauche donnant sur le midi à l'endroit ou étoit le corps mort que nous avons trouvé étendu par terre, et dans le bas et avons interpellé les citoyens Jean Dumeour, laboureur et Pierre Baboulenne, cordonnier, tous deux habitans de la dite commune de Lascabanes que nous avons priés de sa présente et auxquels avons demandé s'ils reconnoissoient le particulier mort, ils nous ont affirmé avec le piquet et le Sergent qu'ils reconnoissaient parfaittement le particulier et que c'est Hugues Nègre dit Lousal, sabotier, âgé d'environ soixante ans, demeurant à Pechpeyroux, même commune.
Nous avons en suitte requis le dit Joseph Barrayre d'en faire la visite à l'instant. A l'instant aquir procédant le dit Barrayre officier de Santé a remarqué que Hugues Nègre est mort il y a environ six à sept jours et que la putréfaction l'annonce quoique dans un endroit assez frais, ajoute qu'il a la partie supérieure de la face entièrement fracassée et particulièrement du côté gauche, de plus qu'il a toute la poitrine et le long du corps du côté droit meurtries jusqu'à l'hanche, que toutes ces blessures et meurtrissures étant sur des parties sensibles et essentielles à la vie, il est vraisemblable que le dit Nègre étant tombé de la hauteur de neuf à dix pieds, il a bien pu mourir de cette chûte, et ce qui fait présumer que cette chûte lui a procuré la mort, c'est que dans le haut de la dite maison une partie de la chambre d'entrée se trouve planchée et l'autre partie se trouve sans plancher et domine l'endroit où le dit Nègre a été trouvé mort. 
Toutes les susdites personnes présentes et invitées affirment pour ce qui regarde la situation du dit plancher et la position où c'est trouvé le dit cadavre que ce n'est que par cet accident que le dit Nègre a pu se laisser mourir. Et qui le fait encore présumer c'est que ce citoyen étoit ami de tous les habitants de la commune de Lascabanes et que lors du verbal du transport de la municipalité dudit Lascabanes, on lui a trouvé après l'avoir fouillé en présence des personnes dénommées audit verbal dix sept assignats de cinq livres chacun, trois de quinze sols aussi chacun, un de dix sols et une pièce d'un sol monnoyé métalique, un chapelet, un jeu de cartes, un mouchoir à son col et un autre tout neuf trouvé dans son sein, deux tabatières dont l'une étoit pleine de tabac, lesdit[e]s tabatières l'une en fer et l'autre en bois, deux pierres à éguiser ; ledit particulier trouvé mort étoit habillé ainsi et comme il est dit audit verbal, toutes ces circonstances annoncent qu'il est mort d'une chûte, desquelles déclarations il résulte que le dit Hugues Nègre est mort d'une mort violente.
En conséquence, et attendu que la cause de sa mort est connue et que touttes autres recherches à cet égard seroient inutilles, nous avons déclaré que rien ne s'opposait à ce que le dit corps ne fut inhumé dans les formes ordinaires.
Et de tout ce dessus avons dressé le présent procès verbal les jours, mois, an et heure cy dessus signé Pradal assesseur en l'absence du Juge de Paix et Baffalie notable, non signé Jean Laval. pour savoir de ce requis.

D'après la lecture de ce procès verbal que Jean Pierre Baffalie et Jean Laval ont déclaré conforme à la Vérité., je me suis sur le champ transporté au lieu de ce domicile, je me suis assuré du décès dudit Hugues Nègre, sabotier de profession de la commune de Pechpeyroux et j'en ai dressé le présent acte que jean Pierre Bassallie a signé avec moi, non le citoyen Laval pour ne savoir de ce requis.
Fait en la maison commune de Lascabanes les jours, mois, an et heure cy dessus."


Les signatures en bas de l'acte :

La mairie de Lascabanes où a été rédigé l'acte :

Voici la localisation possible de cette fameuse maison située "à l'extrémité du village sur la route de Lauzerte à Cahors". J'hésite entre la maison de gauche et celle de droite... :

L'enquête continue...
Si vous avez des indices, n'hésitez pas à me les laisser dans les commentaires !

Sources
Acte : AD du Lot - Lascabanes 1793-1799 - 4 E 225-2 - vues 92 à 95
Cartes et photos : AD du Lot Lascabanes 2/05/1839 3 P 2632 et Google Maps + Streetview 


A demain pour la lettre " R " !
;-)

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