Un contrat de mariage juif en 1948 au Caire

Publié le par Julien Lozelli

photo d'illustration (source : Histoire de l'Holocauste | Éducation | Musée de l'Holocauste Montréal)

photo d'illustration (source : Histoire de l'Holocauste | Éducation | Musée de l'Holocauste Montréal)

Au cours des dernières semaines, je me suis rendu au Service Central d'Etat Civil (ou SCEC), antenne du Ministère des Affaires Étrangères située à Nantes où j'habite, pour plusieurs dossiers initiés par des clients.
Aidé de mon autorisation de consultation des actes d'état civil de moins de 75 ans, en parcourant les différents registres, je suis tombé sur la transcription le 23 juin 1959 d’un acte de mariage basé sur un contrat rédigé le 28 octobre 1948.
Il est fréquent au SCEC de tomber sur des actes créés à une date ultérieure, notamment à la suite d'une naturalisation française. En conséquence, la date de création vaut date de départ pour la consultation future du document par les chercheurs et les généalogistes (les fameux 75 ans). Ici, cette archive sera donc complètement communicable à tous en 2034.
C'est pourquoi j'anonymise les individus.

Cette transcription est très intéressante, tant par le contenu du dit contrat de mariage, semblant venir d'un autre temps, alors que l'année est 1948 ! Les féministes du XXIe siècle peuvent s'émouvoir, tant le statut de l'épouse est réduit à son plus strict minimum (travailler mais sa paye et la gestion du budget revient au mari et surtout, surtout, lui faire une descendance, sinon il pourra alors prendre une nouvelle épouse).

Autre temps, autres mœurs...

A noter, le contexte politique, à savoir les heurts, actes de violences, attentats et pogroms contre la communauté juive en Égypte alors qu'Israël a déclaré son indépendance quelques mois plus tôt.
En effet, le 30 mai 1948, un décret décide de confisquer les propriétés des Juifs suspectés de « trahison », sionisme ou communisme  ; ainsi, près de 70 entreprises juives sont saisies, tout secteur confondu. « Une mesure oblige les Juifs vivant dans le périmètre alentour au palais d’Abdine au Caire d’abandonner leur logement ». 
Entre 1948 et 1950, plus de 25 000 Juifs quittent l’Égypte.
(source : wikipedia)

Traduction du contrat de mariage – Tome III – Ordre n°7947

"Le jeudi 25 tishri 5709 de l’ère hébraïque, correspondant au 28 octobre 1948 ici au Caire, ville située sur le fleuve du Nil.
Nous soussignés certifions que le sieur X, fils du sieur Elie X... dit en s’adressant à la demoiselle X, fille du sieur Mourad X... sois mon épouse conformément à la loi de Moïse et d’Israël, et moi, avec l’aide de Dieu, je travaillerai, te nourrirai et t’habillerai comme font tous les Israélites qui travaillent, nourrissent et habillent leur épouse, je te donne comme indemnité légale pour te dédommager de ta virginité 200 mahlouls, et m’engage en même temps à te nourrir, t’habiller et suffire à tes besoins.

La dite épouse déclare accepter et devient ainsi sa femme par la volonté de Dieu, l’épouse ayant apporté de la maison paternelle 250 livres égyptiennes, l’époux déclara lui constituer avec le consentement de l’épouse, la somme de 250 livres égyptiennes en contre-dot, soit au total dot et contre-dot 500 livres égyptiennes. Cette somme devient de droit propriété de l’époux et demeure à la charge de l’époux à titre de créance privilégiée. Et si Dieu ne plaise, il faille à lui rembourser cette somme, l’épouse pourra en exiger le paiement intégral jusqu’au dernier para (?).

L’époux nous déclare en outre : la garantie de ce contrat de mariage est valable à mon encontre et après moi,  à l’encontre de mes héritiers, sur tous les biens que je possède ou possèderai ultérieurement, tant en biens meubles qu’en bien immeubles présents ou à venir. Tous les biens ci-dessus y compris mes vêtements seront affectés ma vie durant, et après ma mort, à la garantie légale de l’exécution de ce contrat de mariage, ceci conformément aux conventions matrimoniales en usage chez les Israélites.

Les conditions établies entre les époux, conformément aux usages de notre ville, sont les suivantes :
- les fruits du travail de la femme appartiendront de droit au mari qui prend à sa charge l’entretien et le logement de son épouse.
- le mari ne pourra entreprendre aucun voyage sur terre ou sur mer sans le consentement préalable de l’épouse.
- la succession devra être réglée conformément aux usages pratiqués dans cette ville.
- durant la vie de sa femme, l’époux ne pourra promettre mariage ni se marier à une autre femme à moins qu’après dix années de cohabitation continue, elle ne lui ai donné de postérité.

D’autre part, le mari ne pourra répudier son épouse sans une décision prise par le Grand Rabbinat.
L’épouse a prêté serment d’accomplir envers son époux tous les devoirs, conformément à la loi de Moïse et d’Israël. L’époux ne pourra tenter sa femme pour en obtenir l’abandon d’une part de la dot.

Les époux ont prêté serment de respecter les clauses du présent contrat de mariage, lequel a été dûment signé pour servir et valoir ce que de droit (…).
Pour traduction conforme à l’original, Le Caire, le 4 novembre 1948."

Je n'ai aucune idée de ce que ce couple est devenu...

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