I comme...Inconnu (ou presque) - Challenge AZ 2015

Publié le par Juloz

I comme...Inconnu (ou presque) - Challenge AZ 2015

comme...Inconnu (ou presque)

On a tous dans nos arbres généalogiques des enfants nés de père inconnu. Même pendant les périodes de l'Histoire de France où l'Eglise avait un rôle capital dans la vie quotidienne, ça n'a pas empêché nos aïeux de pêcher !
Que ce soit un adultère ou tout simplement le fruit d'une liaison d'un couple non-marié, on a vu une ribambelle de gamins nés sans père...à moins d'une reconnaissance à l'Etat Civil, suivi ou non d'un mariage !

Dans ma généalogie, il y a surtout un "inconnu" que j'aimerais bien connaître, car il ne s'agit ni plus ni moins que de mon sosa 32, mon trisaïeul qui aurait dû me transmettre son nom de famille.
Toute cette branche de mon arbre généalogique est donc bloquée à jamais.
..

Un garçon du village...
un notable de Castelnau Montratier...
un patron trop entreprenant...

...ou tout simplement un amour fou mais inconcevable hors-mariage ?
Je me suis souvent posé ces questions concernant cet inconnu avec qui mon AAAGM Pétronille LAUZELY avait fricoté, mais le sujet restant tabou dans la famille, je n'ai jamais eu de réponses.

Sauf que...
Sauf que j'ai un doute sérieux sur l'identité de cette personne, alors je m'empresse de vous expliquer cela !

Je vous ai déjà parlé ici de mon AAGP Urbain, installé comme coiffeur à Tours en 1883. Il est donc né de père inconnu et porte ainsi le nom de sa mère, en l'occurrence "LAUZELY" (avec une orthographe modifiée sur son acte de naissance).
Mais ce que je n'avais pas dit la dernière fois, c'est que sa mère a aussi accouché d'une fille en 1851 !
Cette découverte, je l'ai faite un soir de recherches sur la page 23 du site des Archives Départementales du Tarn et Garonne, où, pour un autre arbre généalogique, j'essayais de confirmer une date de naissance d'une personne sur la commune de MONTAIGU DE QUERCY au XIXème siècle.
En épluchant le registre des naissances de cette commune, je tombe sur un nom que je reconnais parmi tous, tellement il est peu courant, le fameux "LAUZELY".
Tiens ? Regardons ça plus en détail en zoomant sur le texte de l'acte.
"L'an mil huit cent cinquante un, le onze août à deux heures du soir : par devant nous (...) est comparu le sieur VIDAL Jean âgé de vingt neuf ans, cultivateur, demeurant au lieu de las Carcines, lequel nous a déclaré que hier dix août à quatre heures du soir, la nommée Lauzely Pétronille, célibataire, sans profession, âgée de vingt sept ans, domiciliée du lieu de Martiniac, canton de Cahors, Lot, est accouchée dans sa maison à las Carcines d'un enfant du sexe féminin qu'il nous présente et auquel il a donné le prénom de Lauzely Jeanne (...)"

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QUOI ?!? COMMENT ?!? PARDON ?!?
Je venais donc de faire la découverte d'une deuxième demi-soeur de mon AAGP dont personne ne connaissait l'existence, en plus de celle née en 1855 !!

Intéressons-nous à cet homme qui fait la déclaration : 
Jean VIDAL est né le 25 mai 1826 au lieu-dit Le Nau, sur Montaigu de Quercy, fils de Jean VIDAL lui aussi, cultivateur, et de Françoise LACOMBE.

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Google Maps nous indique que la distance entre son lieu de naissance et sa maison lors de la naissance de Jeanne LAUZELY n'est que de 3 km (le lieu s'appelle maintenant Les Quarcines) :

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Bon...Réflichissons 30 secondes. C'est Jean VIDAL qui fait la déclaration d'une naissance dans SA maison (perdue dans la campagne, by the way...) par une jeune fille célibataire, et qu'il lui donne la version féminine de SON prénom !
De là à penser que c'est lui le père biologique, il n'y a qu'un pas ! Seule la génétique pourrait confirmer ce lien du sang...mais au XIXème siècle, la technologie n'a pas encore été inventée.
La deuxième fille de Pétronille LAUZELY, Emilie, nait donc en 1855 puis mon AAGP Urbain en 1856, tous les deux à Montauban, à 50 km des Quarcines quand même ! Voulait-elle peut-être l'aide d'une sage-femme pour ces deux accouchements (la fameuse Ursule ESCUDIE) et ne pas à avoir le faire toute seule, perdue au beau milieu du Quercy ?
Quelque chose me tracasse...Un truc qui me dit que j'ai en ma possession une info mais je n'arrive pas à savoir quoi...Vous savez, comme quand on a une idée mais que tous les éléments la composant sont dans un désordre complet...
...
OUI, ça y est ! Je sais !!!
Regardons une nouvelle fois l'acte de naissance d'Urbain :

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MAIS OUI !!! J'avais la réponse sous les yeux depuis au moins 20 ans ! J'ai lu, relu des centaines et des centaines de fois cet acte de naissance de mon AAGP. Au tout début de mes recherches généalogiques avec mon père, on cherchait vainement les parents de Pétronille et on ne trouvait rien !
=> Les soi-disants parents de Pétronille y sont prénommés "Jean" et "Françoise", qui sont les prénoms des parents de Jean VIDAL ! La sage-femme aurait-elle fait une boulette et se serait-elle emmêlé les pinceaux ou est-ce un indice laissé volontairement par Pétronille ?
=> Son deuxième prénom est Jean...pour rappeler le prénom de son père ! Je disais dans mon post du #Challenge AZ à la lettre "E" qu'il avait deux oncles avec ce prénom, mais là, c'est trop gros ! Il était coutumier à l'époque (et d'ailleurs aussi de nos jours), de donner le prénom du père en seconde position, voire de redonner au fils le même que le père !

Finalement, je pense savoir pourquoi ma Pétronille est restée célibataire toute sa vie :
Jean VIDAL décède à seulement 37 ans le 20 août 1858 dans sa maison du Nau, soit deux ans après la naissance d'Urbain.

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Pétronille n'aura jamais plus d'enfant, sachant qu'elle ne reconnaîtra jamais son fils à l'Etat Civil. Elle devait être désespérée après le décès de l'amour de sa vie. Elle ne se mariera jamais...

Je n'ai ensuite aucune information sur elle et son fils dans la région. Les recensements aux Archives Départementales du Lot sont lacunaires sur la période 1846 / 1884...
Je retrouve Pétronille, éternelle célibataire, sur le recensement de CAHORS en 1886 (orthographe du nom de nouveau différente + elle se fait appeler "Pierrette")

Recensement Cahors 1886 (AD46)

puis lorsqu'elle ira vivre avec la famille de son fils, grâce à un acte notarié daté du 13 septembre 1889 dans l'Etude de Maître MORIN à Tours, qui confirme ce lieu d'habitation.
Elle y vend 54 francs de rente française "au syndic des agents de change près la Bourse de Paris". Elle réitère le 05 décembre 1889, soit le lendemain du deuxième mariage de son fils avec Léonie COUSTY, quand elle vend 256 francs de rente française.
Le 19 décembre 1889, une rente viagère de 600 francs par an est constituée (payable en quatre tranches de 150 francs par Urbain et Léonie), moyennant le versement "en bonnes espèces ayant cours" de 6 000 francs (soit un peu plus de 20 000 € en tenant compte de l'érosion monétaire due à l'inflation !) : d'où vient cet argent ? S'agit-il d'une sorte de réconciliation tardive avec son fils ? Elle, ne l'ayant jamais reconnu officiellement, il ne pouvait obtenir aucun héritage de sa part.

On la retrouve une dernière fois chez son fils à Tours en 1896 (orthographe du nom comme celle de son fils + elle est prénommée Perrette) :


puis s'éteindra deux ans plus tard à l'Hôpital Général de Tours le 27 janvier 1898...emportant à tout jamais son secret dans sa tombe.

Pour résumer, je suis presque sûr que Jean VIDAL est mon ancêtre ! Il y a assez d'éléments pour l'envisager.
Je devrais donc m'appeler "VIDAL" ! "L'inconnu" ne l'est plus...

Signature de Jean VIDAL

...mais le doute subsistera toujours, c'est pourquoi je ne continuerai pas sa branche sur mon arbre généalogique.
Je lui ai quand même créé un blason !
J'ai repris, grâce à l'Armorial Général de France de Charles D'Hozier, les armes d'une famille du même nom qui résidait non loin et qui est peut-être liée :


D'azur au pal d'or accosté de deux coeurs d'argent.
 

Et en plus, je le trouve joli, ce blason...non ?

A demain pour la lettre "J" ! ;-)

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M
D'accord à 100 % pour cette enquête.<br /> merci pour tout. Cela mériterait d'être imprimer.......
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J
J'y pense...<br /> Merci Moya2244 ;-)
A
Comme c'est bien analyse et raconte! Mais vous etes peut-etre encore mieux fixe que certains d'entre nous qui descendons d'un enfant qui a ete reconnu lors du marriage de sa mere. Qui nous dit qu'elle a VRAIMENT epouse LE pere? Peut-etre qu'une analyse comme la votre est de rigueur dans ces cas la aussi.
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J
Merci Annick pour votre message ;-)
S
Superbe histoire, j'aimerais pouvoir donner la même dimension à ma généalogie. Chez nous, il est de tradition à chaque génération d'une même branche d'avoir des enfants de père inconnu. De 1920 à 1800, les femmes de cette branche ont, par génération, un ou deux enfants hors mariage. J'ai aussi découvert vers la Seine-Maritime (de mémoire) un village où d'affiler les enfants naissaient hors mariage mais très souvent reconnu par le père et déclaré par lui....Cela m'a beaucoup étonné vu le conservatisme de l'époque....
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J
Merci Solenne ! Certains parlent de psychogénéalogie pour expliquer des maux ou des évènements répétitifs sur plusieurs générations. Les filles-mères en font peut-être partie...
C
Bonjour et BRAVO pour votre enquête policière, vous êtes arrivée à vos fins.<br /> Je vous souhaite une bonne journée.<br /> Marie-Paule.
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J
Merci Marie-Paule ! Je n'aurai jamais la réponse finale mais celle-ci me satisfait ;-)
G
Je me retrouve tellement dans ton article. On a tous je crois mené ce type d'enquête avec parfois un peu moins de réussite que toi ! Très bon article, ton hypothèse est certainement la bonne !<br /> A bientôt,<br /> Guillaume
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J
Merci Guillaume ! J'ai toujours eu un côté "Tintin reporter" et j'ai adoré mener cette enquête dans le Quercy.