P comme Prisonnier de Guerre - [Hommage à André Audenet]

Publié le par Juloz

Un de mes quatre arrière-grands-pères s'appelle André Auguste Alexis AUDENET.
Il est né le 22 septembre 1895 à Tours (Indre-et-Loire), fils d'Auguste AUDENET, tapissier, et de Maria Augustine Victorine MOREAU, couturière. Il a une grande sœur, Renée Joséphine Émélie, née un an avant lui.

André et Renée, vers 1900

Voici la petite famille après une journée à la pêche en 1913 : 

André, Renée, Maria et Auguste AUDENET en 1913

Le premier travail d'André sera mécanicien chez Rolland & Pilain à Tours.

Extrait de la fiche de registre matricule d'André AUDENET - AD 37

Lorsqu’éclate le conflit le 03 août 1914, il est d'abord maintenu en sursis à la manufacture d'armes de Châtellerault ("La Manu") à compter du 07 novembre 1914

Extrait de « Laissez-vous conter la Manufacture d'armes de Châtellerault » :
" Un pilier de l’effort de guerre en 1914-1918.
Dès le 31 juillet 1914, la Manu reçoit l’ordre d'appliquer le programme de mobilisation. Il faut intensifier la production en multipliant les heures de travail et en recrutant massivement. L’effectif passe de 1 406 en juillet 1914 à 7 192 en décembre 1916. Si le recrutement local est privilégié, la recherche d’ouvriers se fait de tous côtés. Les nouvelles recrues sont des civils non mobilisables ou réformés, mais aussi des militaires détachés de leur corps.
Pour récupérer des combattants, la Manu applique donc les lois de 1915 et 1917 selon le slogan : « Les jeunes à l’avant, les vieux à l’arrière "

André est ensuite incorporé au 63ème Régiment d'Infanterie le 17 décembre 1914 mais il ne part véritablement au front que le 18 mai 1916 avec le 30ème R.I où il a été transféré. 

Il est cité à l'ordre du Régiment le 31 Juillet 1916 : "Faisant partie d'une embuscade, ont contribué par leur sang-froid et leur bravoure à la réussite de l'opération, n'hésitant pas à attaquer une reconnaissance ennemie supérieure en nombre, ont fait un prisonnier et ont tué l'officier supérieur qui la commandait et un soldat." (citation collective).

André avec sa sœur Renée et sa cousine Suzanne DUBAYLE lors d'une permission le dimanche 10 décembre 1916


Plus tardlors de l'attaque du Mont Kemmel, il est annoncé comme disparu le 25 avril 1918 lors d'une contre-offensive ennemie.

Plan de l'attaque du mont Kemmel les 24 et 25 avril 1918 - Archives Mémoire des Hommes / Ministère de la Défense
Extrait du journal de marche du 30e R.I - André fait partie des 1626 disparus - Archives Mémoire des Hommes / Ministère de la Défense

Ayant appris sa disparition, sa famille envoie une requête à la Croix-Rouge pour obtenir des informations.
Grâce aux archives du Comité International de la Croix Rouge (CICR), j'ai pu retrouver cette fiche qui lui est consacré :

La photo publiée dans mon billet du 02 novembre explique alors cette attente insoutenable de la famille AUDENET.
La réalité des faits : il n'est pas mort mais fait prisonnier le jour même de sa disparition par l'armée allemande, comme de nombreux soldats du 30ème R.I.
Il est envoyé 
dans le camp principal pour soldats, à Stendal, ville située dans l'actuel Land de Saxe-Anhalt en Allemagne.

Camp de prisonniers de Stendal
Monnaie locale utilisée dans le camp de Stendal
Livre lithographié par BOUCHET, d’après les notes de captivité. Cet ouvrage se présente sous la forme de 36 planches .
Un groupe de prisonniers musiciens (français et russes) à Stendal

Histoire du camp de Stendal (wikipedia) :
Le 3 août 1914, le premier escadron de hussards stationné à Stendal (Magdeburg Hussar Regiment No. 10) entre dans la Première Guerre mondiale. Les premiers blessés, environ 160 soldats, arrivent dans les hôpitaux de la ville le 8 septembre 1914.
En décembre 1916, plus de 11 000 prisonniers de guerre sont déjà logés dans le camp de prisonniers de guerre du terrain de Stendal. 
Au cours de la Révolution de novembre, un "conseil ouvrier et militaire" prend le contrôle des violences policières à Stendal le 8 novembre 1918.
Après la signature de l'armistice de Compiègne le 11 novembre 1918, un point de collecte des dispersés est installé dans la caserne des Hussards.
Le camp de prisonniers de guerre fut presque complètement évacué le 1er janvier 1919 et transformé en camp de transit pour les prisonniers de guerre allemands libérés. 

André ne sera rapatrié en France que le 27 novembre 1918, soit une quinzaine de jours après l'Armistice. Pour rappel, Strasbourg a été libérée le 23 novembre précédent. 
  
Selon certains témoignages que j'ai pu récupérer auprès de gens qui l'ont connu, il parlait souvent de cette "maudite guerre" et de ses actions personnelles à ceux qu'il rencontrait lors de longues discussions...

Il est finalement démobilisé le 13 septembre 1919.

André AUDENET (en civil, pantalon noir) après sa libération, avec des camarades

Parmi de nombreux documents conservés par sa fille, ma grand-tante qui est toujours en vie, j'ai mis la main sur sa carte du combattant : 

Il sera décoré de la Croix de Guerre avec étoile de bronze.

Père de trois magnifiques filles, il sera ensuite cheminot en tant qu'ouvrier-ajusteur/monteur aux Chemins de Fer d'Orléans aux ateliers de Saint-Pierre-des-Corps, juste à côté de Tours

André AUDENET (le + haut) aux ateliers de St-Pierre-des-Corps

Pour la fin de son histoire, j'ai raconté lors d'un précédent billet sur mon blog en 2015 le tragique destin d'André et de sa famille (à lire ici

Publié dans ChallengeAZ

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